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14 juin 2009

Région Latgale, deuxième partie.

Le lendemain, nous ne pouvions prendre notre petit déjeuner dans l’établissement mais Anda avait pris ses dispositions. Je l’entendais téléphoner en letton (peut-être même en russe, d’ailleurs) et à un moment, elle s’interrompt pour me demander si je préfère qu’elle commande des crêpes (pancakes) ou des salades. Je lui explique que les crêpes seront plus indiquées car, en France, nous n’avons pas vraiment l’habitude de consommer des salades au petit déjeuner, et nous voilà partis !

Nous abordons un petit restaurant, nous asseyons joyeusement autour de la table, ravis de nous sustenter un peu (nous n’avions pas trop pu le faire la veille, devant nous contenter de chips et de bière dans la boîte de nuit frontalière !) et là, je te vois mon Anda arriver vers la table avec une… conséquente bouteille de liqueur !!! Je ne suis pas contre le fait de boire un petit coup de temps en temps, et mes compagnons de route non plus, mais là, nous nous empressons de protester ! Il n’est guère que neuf heures du matin ! Mais Anda tient à nous rassurer dans son anglais agrémenté d’un chaleureux accent letton “Soft drrrink ! Soft drrrink !”, assure-t-elle en remplissant généreusement les verres. Soft drink ? Ben t’as raison, Anda ! Il s’agit d’une liqueur aux amandes certes goûteuse et sucrée mais sacrément “velue” aussi ! Les crêpes tant attendues étaient les bienvenues, après cette virulente et traître boisson ingurgitée à jeun ! Ah, parlons-en, des crêpes. Alors que nous avions, en bon français, fantasmé sur des crêpes sucrées, nous avons vu arriver des crêpes farcies à la viande hachée et recouvertes d’une épaisse couche de crème fraîche. Mais qu’importe ! Le jeûne de la veille et la virulence de l’alcool aux amandes ont fait qu’elles sont descendues sans difficultés aucune même si nous n’avons pas l’habitude de manger ce genre de chose de bon matin. C’était très bon, de toute façon ! 

Suite à ce petit déjeuner constructif, nous sommes repartis dans l’établissement de Zilupe où nous avons participé à des échanges très sérieux sur l’école que nous avons, par ailleurs, visitée avec beaucoup d’intérêt. 

En repartant, nous avons visité la cathédrale d’Aglona, la plus importante basilique catholique de Lettonie. Vous remarquerez d’ailleurs que nos amis lettons semblent adorer les superlatifs ! C’est toujours le plus vieux ceci, le plus grand cela, le machin le plus septentrional… Tiens, j’ai d’ailleurs oublié de dire que l’atelier de poteries et de travail du lin se trouvait à Ludza, plus vieille ville de Lettonie. 

La basilique d’Aglona est toutefois un monument très important et pas seulement à cause de sa taille et de sa beauté. Tous les 15 août, le Pape s’y rend et c’est l’occasion, pour tous les Lettons qui le désirent, de faire un grand pèlerinage en venant à pied à Aglona depuis chez eux. C’est un peu leur Saint Jacques de Compostelle à eux ! 

Mais ce jour-là, elle était vraiment très vide et comme le temps était incertain, je l’ai trouvé quand même un peu triste. 



 Changement de régime et d’ambiance avec la visite du musée du pain. 

Un musée, ceci ? En Lettonie, ils baptisent un peu tout “musée”. Nous avons été accueillis sur le pas d’une petite maison par une solide matrone en costume traditionnel qui, d’une voix claironnante (comme beaucoup de Lettones) nous a expliqué tout l’historique, toutes les légendes, toutes les superstitions liées au pain en Lettonie. Là-bas aussi, le pain, même s’il est différent du nôtre, est sacré, auréolé de mystère et voué au respect. D’ailleurs, avant le début de la conférence, on nous a demandé avec insistance de nous laver les mains avant d’y déposer quelques grains de blé que nous avons dû manger pour bien nous rappeler d’où vient cet aliment si anodin et quotidien. 

Ensuite, nous sommes entrés dans une grande salle au centre de laquelle était dressée une table croulant sous les victuailles. La philosophie des Lettons de cette région me plaît beaucoup : nous étions censés manger absolument TOUT sans quoi nous risquions d’offenser nos hôtes  ! Soupe froide aux herbes , “zakuskas” (morceau de lard posé sur une tranche de pain noir et agrémenté de petits oignons à avaler très vide après un verre de vodka ingurgité cul-sec), cornichons énormes et sucrés, pommes de terre tièdes, miel, pain noir, pâte à choux farcies à la crème épaisse, le tout arrosé de thé brûlant ou de vodka diverses, nous avons tout aimé… mais certainement pas tout fini.  

Je me rappellerai longtemps l’accueil de ces gens qui donnaient l’impression de ne pas avoir grand chose mais de tout nous offrir, je me souviendrai de cette matrone solide qui, facétieuse, n’hésitait pas à donner un coup de grosse cuillère en bois à ceux qui parlaient au lieu de manger (un humour rude comme le climat de cette région, rustique comme sa nourriture), de notre interprète, Irina, qui serait bien partie vers des contrées plus riantes mais que la tombe de son fils retenait dans cette région austère, de l’angoisse de ces gens face aux prétentions russes mais aussi de leur scepticisme face à une Europe dont les normes tendent à les ruiner, des polkas dansées à la fin du repas malgré tout, des larmes dans les yeux d’Irina au moment de notre départ… Il y avait un côté “Rendez-vous en terre inconnue” dans cette rencontre improbable. J’avais l’impression qu’un lien aurait pu se tisser entre ces gens et nous mais que nous partions trop vite. J’ai vraiment ressenti quelque chose de fort et je n’ai pas honte d’avouer que j’étais très émue au moment de la séparation. Je n’étais pas la seule. Quelques filles du groupe ont même versé une petite larme et j’avoue que rien qu’en écrivant ces lignes je ressens à nouveau cette profonde émotion et j’ai moi-même la larme à l’œil. 

Je ne sais pas si je retournerai jamais en région Latgale. J’ignore si cela ne deviendra pas impossible un jour. Je ne sais pas non plus quel sera l’avenir de ces gens. Le hiatus entre la vie à Riga et la vie là-bas est si incroyable. J’espère que le futur leur sourira, sans pour autant leur faire perdre leur identité.

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